29 mars-2 avr. 2021 CESCM (UMR 7302), Hôtel Berthelot 24, rue de la Chaine TSA 81118, Poitiers (France)

Présentation détaillée

Les médiévistes face aux médiévalismes :
rejet, accompagnement ou appropriation ?

Colloque International, CESCM (UMR 7302), Poitiers, 29 mars au 2 avril 2021

 

Le Moyen Âge est vivant. Nos contemporains le recréent continuellement : roman historique, série télévisée, bande dessinée, fête villageoise, propagande politique… Pour désigner cette réappropriation, si éloignée de leurs pratiques académiques, les chercheurs ont forgé le mot de « médiévalisme », qu’ils opposent à « médiévisme », c’est-à-dire leur propre analyse méthodique des sources documentaires et le discours de type scientifique qui en découle. Ils ne sauraient pourtant se désintéresser de la libre adaptation à visée artistique, voire, de façon plus gênante, idéologique, par laquelle le tout venant peut s’immiscer dans leur champ d’érudition.

La plupart des médiévistes ont conscience que le « contrat référentiel » qu’ils passent avec leurs auditeurs ou lecteurs — trop souvent leurs propres collègues — se distingue du « contrat fictionnel » établi entre un vaste public et le romancier, le scénariste ou le metteur en scène. Ils ne craignent donc pas qu’on puisse assimiler leur démarche à celle du créateur. Les historiens professionnels apprécient, de même, que le médiévalisme attire des amateurs éclairés vers leur discipline et qu’elle suscite de jeunes vocations. Du reste, J.R.R. Tolkien, le père de la heroic fantasy, ou Umberto Ecco, auteur d’un triller palpitant à résonance planétaire, n’appartenaient-ils pas à leur milieu ? Enfin, l’archéologie expérimentale, qui a tant fait progresser la connaissance des gestes du travail et de la vie matérielle des médiévaux, recoupe souvent l’attraction touristique, comme en témoigne l’engouement actuel pour le château de Guédelon.

À l’heure où la diffusion de la recherche s’impose plus que jamais, le médiéviste doit-il sortir de sa tour d’ivoire pour s’adresser de façon pédagogique aux non-spécialistes ? Son champ d’érudition ne saurait devenir sa chasse-gardée. Les passerelles tendues entre le « médiévisme » et le « médiévalisme » ne l’empêchent néanmoins pas de combattre l’instrumentalisation politique dont le Moyen Âge est aujourd’hui l’objet. Ce détournement s’assimile presque toujours au soi-disant « choc des civilisations », où des templiers et autres croisés auto-proclamés ferraillent avec des musulmans, dont les plus extrémistes sont tentés par le retour aux temps bénis, rigoureux et austères du prophète et de ses combattants. Plus innocentes semblent les fêtes et autres spectacles où l’époque médiévale devient carnavalesque, ripailleuse et grivoise. Cette vision ludique s’oppose à une tout autre simplification qui insiste sur la barbarie moyenâgeuse, obscurantiste, oppressante et cruelle.

La demande sociale sur l’histoire médiévale est pressante. Elle s’exprime diffusément par une « mode du Moyen Âge », perceptible à travers les media, que ce soit dans Kaamelott ou dans l’entrée de l’œuvre de Georges Duby dans la Pléiade. Cet intérêt se cristallise parfois dans l’appel aux lumières de médiévistes pour enrichir un scénario, corriger un roman ou rédiger une bande-dessinée. Devons-nous snober ces non-spécialistes sous prétexte que leurs reconstitutions dérogeraient aux règles de notre discipline ? Si besoin était, la question prouve combien il est important de réunir un grand congrès international en France pour discuter du médiévalisme, sujet maintes fois abordé dans d’autres pays et notamment aux Etats-Unis. Les enjeux de ce nouveau champ du savoir sont essentiels, car la réception du Moyen Âge par nos concitoyens conditionne la reconnaissance sociale des médiévistes en tant que scientifiques et, par conséquent, la survie même de nos disciplines dans un monde démocratique.     

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